Interview : Jérémy Lamri

Dans le cadre du livre blanc sur le futur du travail au delà de l'IA, May a interviewé Jeremy Lamri. Découvrez ici son interview complète, bonne lecture.

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Quel a été le déclencheur pour lancer le Lab RH et Tomorrow Theory ?

C’est une conjonction de facteurs. Des facteurs nobles et des facteurs de nécessité. Dans les facteurs nobles, il y a le besoin de travailler sur quelque chose de plus grand que moi-même, d’avoir un vrai impact. Il y a aussi le moteur de se mettre tous ensemble. Pour moi, innover et se mettre ensemble sont des valeurs qui doivent nous guider pour préparer le futur. Il ne faut pas se mettre dans son coin. Nous devons innover ensemble et pouvoir faire le point sur ce qui fonctionne et ne fonctionne pas. Les lancements du Lab RH et de Tomorrow Theory sont très liés à qui je suis et à ma volonté de construire un futur qui ne ressemble pas à n’importe quoi.

Nous devons créer un futur où chaque personne a la chance de faire la différence.

Quand j’ai créé le Lab RH en 2015, j’avais une startup qui s’appelait Monkey Tie et je me heurtais violemment à la difficulté d’approcher les DRH et d’être audible. J’ai ainsi créé le Lab RH pour donner une caisse de résonance à l’innovation RH. A l'époque, quand un RH voulait une startup innovante, il devait taper “startup” sur Google. J’ai donc créé, avec Boris Sirbey, une structure qui focalise l’attention sur le sujet de l’innovation RH. Le Lab RH a vraiment réussi à changer cette perception en France.

Pour Tomorrow Theory, la motivation est assez différente. Je vois sur ces dernières années, les tendances qui s'accélèrent, les RH qui prennent du retard. Certaines personnes pensent qu’elles ont fini leur transformation digitale alors que le chemin parcouru en 10 ans va bientôt devoir se faire en quelques mois et elles ne sont pas du tout prêtes. Il y a l’impact de l’IA bien sûr mais pas seulement. Les RH ont tendance à penser, comme beaucoup de personnes, de manière linéaire.

Ils ont du mal à imaginer comment tous les sujets sont en train de converger, voire de se percuter : intelligence artificielle, réalité virtuelle, blockchain, soft skills, changement climatique, santé mentale…Tous ces sujets interagissent pour créer le vrai futur du travail. Le futur du travail ce n’est pas un élément ou l’autre, c’est un mélange de tout. Tomorrow Theory est une structure qui a pour objectif de comprendre ces enjeux et d’accompagner les Dirigeants et les DRH. Elle finance aussi la Recherche et Développement qui nous permet de mieux appréhender ce futur du travail.

Au Lab RH, nous sommes extrêmement sollicités par les RH sur de la sensibilisation, de la stratégie, des outils… Certaines digitalisations RH, comme les fiches de paie par exemple, ont été tellement douloureuses culturellement qu’elles ont laissé un traumatisme. Ces projets ont été mis en place parfois avec une vision réductrice de la digitalisation, trop axée sur l’efficience et pas assez sur la signification pour le travail de demain. C’est dangereux car certains DRH ont le sentiment d’être arrivés au bout de leur transformation alors que ce n’est que le commencement.

Je rencontre deux types de DRH. Des personnes qui comprennent les nouveaux enjeux et que l’on peut accompagner dans le changement. Et des personnes qui pensent qu’elles ont toujours su s’adapter et que l’ancien système fonctionne très bien.J’ai une expression précieuse que l'entrepreneuriat m’a apprise : on ne fait pas boire un âne qui n’a pas soif. Appliquée à notre sujet, je transfère cela en appuyant que mon sujet ce n’est pas de forcer les gens à changer mais de leur donner soif. J’écris beaucoup, j’interviens, je crée de nombreux contenus… pour essayer d’éveiller à tout ce qui est en train de se passer et donner envie de se mettre en mouvement. Les fonctions RH qui restent bureaucratiques n’auront plus d’emploi demain, ou leur entreprise aura simplement disparu faute de réelle gestion des talents.

Contrairement à ce qui se passait il y a 10 ans, quand les collaborateurs ne sont pas contents aujourd’hui ils s’en vont ou ne viennent même pas. Les entreprises qui ne comprennent pas les nouvelles logiques de gestion des talents, n’arriveront plus à attirer et n’arriveront plus à fidéliser. Ces entreprises vont vivre des crises faute de pouvoir capter assez de talents. Les DRH, qui n’auront pas anticipé le changement, n’arriveront pas à le mettre en œuvre, culturellement ils seront dépassés et des personnes arriveront dans l’entreprise pour le faire à leur place. C’est le marché qui dicte le rythme, pas l’entreprise, et encore moins la fonction RH.

Quel est le message fort de votre dernier livre "Oser le courage" ?

Nous avons écrit "Oser le courage” avec Violette Bouveret car nous avons constaté que beaucoup des grandes difficultés qui arrivent dans les organisations ne sont pas des problèmes en eux-mêmes mais sont des choix qui n’ont jamais été faits. En tant que leader, il faut avoir le courage de faire ce qui est inconfortable aujourd'hui pour éviter d’avoir à subir ce qui est catastrophique demain.

Pour les Dirigeants et les DRH, c’est le courage de sortir d’une zone de confort, ou plutôt d’aller encore plus loin dans l’inconfort maintenant.

Côté collaborateur, si ton entreprise n’est pas en train de te rendre actif et de t’aider à te développer, elle met en danger ton employabilité, et donc il faut en changer rapidement. Car plus que jamais, chacun devient responsable d’apprendre tout au long de la vie.

C’est donc le courage de faire ce qui est bon pour soi et pour la société aujourd’hui et demain.

Le travail doit-il se réinventer avec l'arrivée de l'IA ?

Le travail n’est pas vivant donc il ne peut pas se réinventer par lui-même. En revanche les Dirigeants et les RH ont la responsabilité de repenser ce qu’est le travail.Imaginons demain, un manager se rend compte que son collaborateur peut économiser 50% de son temps grâce à l’IA. Le manager a le choix de proposer au collaborateur de faire deux fois plus des tâches restantes, au risque qu’il se lasse et démissionne. Ou le manager peut proposer au collaborateur, en accord avec sa propre hiérarchie, de repenser son métier et de faire de nouvelles tâches qui vont enrichir son poste. Il y a donc deux écoles, et le courage se trouve dans la deuxième partie : prendre la peine de redéfinir les métiers.

C’est en regardant poste par poste et tâche par tâche ce qui change que l’on peut réussir. Il faut analyser ce que l’on peut modifier et surtout ce que l’on met à la place. Si on ne remplace pas le temps économisé, on aura gardé le travail tel quel mais on aura un problème d’emploi. Si demain un collaborateur fait son travail en 50% du temps, est-ce que le dirigeant acceptera de payer 100% du salaire ? Où est le nouveau pacte social dans tout cela ?

Il faut repenser le travail pour préserver l’emploi.Si l’entreprise n’analyse pas sa situation au niveau des postes, elle va se retrouver avec des solutions technocratiques qui ne sont pas adaptées à sa situation. On va créer des bullshits jobs en masse. Attention à ne pas faire de grandes politiques d’adaptation fumeuses qui généreront un nombre incroyable de postes inutiles.L’arrivée de l’IA va obliger les entreprises à gérer le changement comme il y a 50 ans. Il y a une cinquantaine d’années Danone faisait des bouteilles en verre et d’un coup a décidé que c’était plus rentable de faire le contenu : ils sont donc passés de verrier à yaourtier. Un changement de métier radical qu’ils ont réussi à faire sans licencier, et en accompagnant vers des reconversions. A l’époque c’était le plein emploi, il était donc impensable de licencier car il était très délicat de recruter. La “Change Management” que Danone a dû faire était impressionnant, des collaborateurs ont changé de A à Z de métier.

Tous les grands apprentissages du “Change” sont arrivés dans ces années-là : la notion de systémique, le coaching, le développement personnel… Avec la désindustrialisation, il a aussi fallu reconvertir massivement les gens même si les entreprises n’y croyaient pas forcément.

Aujourd’hui on s’apprête à faire le même changement drastique mais en abandonnant toute une partie de la population (10-20%) considérée comme inéligible. Nous allons laisser beaucoup de monde sur le carreau. Certaines personnes sont déjà considérées comme non formables et non recrutables. Quoi que l’on fasse, avec les transformations qui sont lancées, il y a des personnes qui ne pourront pas prendre le train. Et ce n’est pas acceptable de construire un futur en sachant consciemment qu’il exclut par défaut une partie de ses citoyens. Les entreprises ont la responsabilité de le reconnaître et de dédier une petite partie de leur budget formation à des personnes qui n’auront jamais vocation à travailler pour elles. C’est indispensable pour réduire au maximum les fossés qui se creusent. Concrètement les sociétés peuvent utiliser une partie de leur budget RSE pour former des personnes qui n’auront jamais vocation à les rejoindre. Et si les mécanismes ne sont pas en place, alors il faut se poser et parler concrètement de la manière dont on compte refaire société dans les années à venir. Par exemple, les managers peuvent dédiés quelques heures par mois pour transmettre leurs sujets à des personnes éloignées de l’emploi.

Nous arrivons à l’ère de l’économie quaternaire, le secteur de la transmission et de la solidarité. La révolution industrielle a tapé le secteur primaire, la révolution informatique a tapé le secteur secondaire mais permis de créer le secteur tertiaire. L’IA est en train de taper le secteur tertiaire et de finir le travail sur les deux autres. Dans une économie à trois secteurs, à terme il n’y aurait plus assez d’emplois pour tout le monde, même si cela se fera sur 20 ans ou plus.

Et la semaine de 4 jours ?

Sur la semaine de 4 jours, je pense que, dans le futur, nous allons forcément travailler moins mais imposer par défaut une semaine de 4 jours, je pense que c’est un retour en force du paternalisme mal placé. D’autant que pour beaucoup d’entreprises, ce sera plus la semaine en 4 jours que la semaine de 4 jours. Non, je pense qu’on peut être plus responsabilisant et innovant au 21ème siècle. En enlevant actuellement les congés payés et jours fériés, nous avons à peu près 44 semaines à travailler par an donc la semaine de 4 jours c’est 44 jours de congés en plus, ce qui est énorme en soi. Il y aurait donc 9 semaines de congé en plus, soit 16 semaines au total en moyenne. Pourquoi on ne dirait pas dans ce cas au collaborateur, je te donne 12-13 semaines de vacances par an et tu en fais ce que tu veux ? Pour sortir d’un format imposé qui ne répond plus aux codes modernes. Il faut arrêter de se dire : ce qui est bon pour toi c’est de travailler 4 jours par semaine donc je t’impose ce rythme. Plutôt qu’un jour de pause en plus par semaine, on peut plutôt se dire que dans l’année, les gens ont besoin de périodes de congés plus fréquentes. C’est au salarié de savoir quand il a besoin de prendre des congés. L’entreprise peut très bien donner plus tout en l’encadrant (par exemple, pas plus de 3 semaines consécutives tous les 3 mois, ou d’autres règles de fractionnement, il n’y a qu’à se poser pour les définir et les tester).

Interview : Jérémy Lamri
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Anne-Gabrielle Compagnon

Avec 15 ans d'expérience en Marketing Digital, dont 5 en tant que CMO, Anne-Gabrielle a rejoint May en tant que Head of Marketing. Elle est également Fondatrice de OlaTaNea, l'association qui vient en aide aux personnes à la rue et précaires. Anne Gabrielle est intervenue sur de nombreux médias tels que Libération, 20 Minutes, AFP, et ses actions ont sensibilisé plus de 45 000 personnes sur les conditions de vie des personnes à la rue en France.
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