May a interviewé Stéphanie Carpentier dans le cadre du livre blanc sur le futur du travail ici, voici son interview intégrale.
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Je suis un peu atypique dans la mesure où je suis à la fois praticienne en tant que consultante, j'ai ma propre entreprise, et je suis toujours dans l'enseignement et la recherche à temps partiel.
Quand je partage, j'ai toujours le souci d'avoir un coup d'avance sur ce qui se passe dans les entreprises et du recul. En management, on a souvent des modes, comme il y a des modes dans les vêtements. C'est aussi bête que ça. Et vous savez très bien que dans la mode pour les vêtements, qu'on soit homme ou femme, ce n'est pas parce qu'on vous dit de vous habiller de telle ou telle manière que forcément ça vous va.
C'est exactement la même chose au niveau des entreprises, ce qu'on a tendance à oublier. Donc j'essaie toujours de communiquer avec un temps d'avance et la prise de recul sur ce qui se fait ou ce qui va se faire.
Ensuite j'essaie toujours de dire des choses qui sont fondées d'un point de vue théorique parce que je n'aime pas ce qui est lié à un manque de compétences. Je cherche des choses qui sont fondées de façon théorique et prouvées d'un point de vue opérationnel.
Donc, j'ai commencé déjà à vous expliquer quel était mon moteur pour devenir docteur et expert en management des ressources humaines et prévention de la santé au travail.
C'est une volonté absolue de comprendre et de comprendre des comportements, des situations difficiles, que ce soit en management ou en leadership. Les gens sont complexes. Les gens entre eux sont encore plus complexes. Et quand ils sont dans une entreprise, ça fait un troisième niveau de complexité.
J'ai besoin toujours de donner des réponses à ce que je vois de la réalité. Mais que ces réponses soient fondées d'un point de vue théorique. Pour moi, c'est très important parce que vous savez que dans le conseil, il n'y a pas un ordre comme il y a un ordre des avocats, un ordre des comptables, etc. Tout le monde peut faire du conseil en management, ce qui fait que vous avez beaucoup de gens qui vendent des choses qui sont bien sympas, mais qui sont totalement mortifères. Et destructrices pour les gens, pour les collectifs et pour les entreprises. Et ça, je ne veux pas moi-même le faire.
Pour moi il y a toujours trois niveaux de complexité auquel on est confronté :
Par définition, je sais qu'on ne peut jamais faire un copier-coller d'une situation à une autre. Mon activité de recherche me permet de me dire que si je venais à vous faire exactement ce que j'ai fait chez une autre entreprise, même si c'était votre concurrent, et encore plus si c'est d'un autre secteur d'activité, le copier-coller intégral c'est pas possible et c'est même très dangereux.
Donc, pour pouvoir trouver des réponses à ces situations complexes, il faut avoir beaucoup de connaissances dans différentes disciplines. C'est ce qu'on appelle les sciences de gestion. Ça veut dire que quand vous êtes intéressé par les RH, vous devez aussi bien connaître les RH que le marketing, la comptabilité, la finance, la logistique, etc. Surtout quand vous intéressez aux sujets qui sont les miens.
La prévention de santé au travail, ça veut dire anticiper autant que possible les ennuis. Donc ça veut dire qu'il faut savoir d'où peuvent venir ces ennuis. Vous avez la nécessité de bien sûr de maîtriser toutes les sciences de gestion, mais aussi d'avoir beaucoup de connaissances en psychologie, en sociologie, en ergonomie etc. Pour tout ce qui m'intéresse sur la qualité de vie au travail et le côté négatif, c'est-à-dire la souffrance au travail, comme on s'intéresse au niveau individuel, collectif et organisationnel, il faut avoir des connaissances aussi en ergonomie, en droit, bien sûr, en système d'info, en plein de domaines. C'est bien pour ça que mon entreprise s'appelle DR, RH et CO.
DR pour docteur, RH pour ressources humaines, CO pour toutes les disciplines auxquelles je suis obligée de faire appel si je veux trouver une réponse pertinente, fondée et qui correspond aux situations complexes de mes clients, avec le souci de toujours avoir un temps d'avance sur ce que vont être les modes en management et en leadership.
Le plus gros problème selon moi ce sont les dirigeants, qui ont la tête dans le guidon, les mains dans le cambouis.
Autant que possible, ils essayent de trouver les réponses par eux-mêmes. Mais par définition, quand vous êtes la tête bien dans le guidon, vous ne voyez pas le paysage intégral. Vous ne pouvez pas tout faire. Ce n'est pas possible d'être à la fois avec une vision panoramique et une vision très pointue sur un sujet. Dans ces cas-là, ils essayent de trouver des réponses par eux-mêmes. Ils essayent de trouver des réponses avec leurs pairs, c'est-à-dire les gens comme eux, d'où les associations de dirigeants, etc. Vous avez un dirigeant qui va vous dire « ouais, moi j'ai un truc qui est super bien » ou « j'ai tel consultant qui est super bien », vous allez lui faire confiance. Sauf que c'est comme si vous preniez un médicament qui a été prescrit pour quelqu'un d'autre mais qui ne correspond pas forcément à vous.
Et quand vous rendrez compte que ce que vous avez fait n'était pas le plus pertinent, voire vous a créé des effets secondaires à retardement délétères, c'est trop tard. C'est vraiment la logique des médicaments, si vous voulez. Et c'est pour ça que moi, j’essaie de prescrire ce qui est plus adapté, et non ce qui m’arrange le plus, d’où mon entreprise : sa raison d’être est dans son nom. Un Docteur en ressources humaines et en management et en leadership est un docteur par définition. Soit on va le voir quand on est très malade, ça c'est le curatif, soit on essaye de le voir pour éviter de tomber malade.
Je suis tout le temps en lien avec l'entreprise, quand je fais du conseil ou de l'accompagnement de dirigeants. Donner des réponses et mettre à disposition toutes mes connaissances de chercheur aux dirigeants. Tout ce que je vois, c'est aussi avec le côté chercheur, parce que je ne perds pas de vue ce qui arrive, je suis toujours dans la logique d’anticiper.
Et puis par la formation dans l'enseignement supérieur, je suis toujours en contact avec les nouvelles générations. J’aime être en cours avec les premières années en fait, pour savoir ce qui nous attend dans les équipes qu'on aura dans quelques années à gérer. Donc je pense qu'il y a cinq grands défis auxquels on va être confrontés. Le premier, c'est tout ce qui concerne l'intelligence artificielle, les nouvelles technologies et donc, par conséquent, les nouvelles façons de travailler, les new ways of working, etc. Enfin bref, on ne parle que du télétravail, etc. Mais il n'y a pas que ça. Il y a le flex office. Il y a plein de choses dans cette première tendance, intelligence artificielle, nouvelles technologies, nouvelles façons de travailler.
Deuxième grand défi qui n'est pas nouveau, mais qui reprend de la vigueur. C'est la nécessaire montée en compétences, en management et en leadership de tout le monde, en particulier des managers. Parce que tout le monde est potentiellement un futur manager. Donc, il faut peut-être vous préparer à un moment donné. Monter en compétence en management et en leadership, tout le monde va devoir faire ça. Et derrière, in fine, ça veut dire monter en compétence aussi en qualité de vie au travail. Tout le monde doit s'emparer de ce sujet-là.
Troisième grand défi, je viens de faire le lien, c'est tout ce qui concerne la nécessaire prise en considération de la vulnérabilité ou des vulnérabilités en entreprise
Alors on parle des risques psychosociaux très bien, mais il n'y a pas que ça. Il y a le fait que vous pouvez être atteint par un cancer, ce qui a été mon cas. Vous pouvez être proche aidant, ce qui est aussi mon cas. Quand un individu n'est pas bon et pas bien dans sa tête, dans sa peau et dans son travail, ça a des répercussions au niveau des équipes. Donc les équipes elles-mêmes sont vulnérables. Et ensuite c’est votre organisation qui devinet vulnérable parce que c'est la conséquence des vulnérabilités individuelles et collectives qui s'agrègent.
Un quatrième défi, à mon avis, c'est l'importance des valeurs et des croyances. Il faut que les gens, les leaders soient eux-mêmes conscients de leurs propres valeurs et de leurs propres croyances pour que ça soit aligné avec les valeurs et les croyances de l’organisation. C'est la seule piste pour répondre à la recherche de sens que tout le monde demande.
Et le cinquième grand défi c’est la QVT, c’est la nécessité d'avoir une vision systémique et de toujours penser en termes de complexité les situations, les comportements, etc. Or, on a souvent tendance à réfléchir en termes de complications. ”Vous avez un problème, j'ai la solution”. Alors qu'en fait, ce n'est pas la solution, c'est une solution qui est une agrégation de plein de choses et qui aujourd'hui peut correspondre, demain ne pas correspondre, même si on est toujours avec la même organisation.
Je dirais la montée en compétences. Parce que ça regroupe tout. On est obligé de monter en compétence par rapport à l'intelligence artificielle. La montée en compétence, ça suppose d'être bien au clair sur qui on est, donc ses valeurs et ses croyances. Ça suppose de prendre en considération la vulnérabilité parce que pour y répondre, il faut être encore plus compétent. Et quand on est très compétent, on a plus une plus grande vision en principe systémique et de la complexité, donc les compétences.
Moi, je ne vois pas comment on fait pour donner une réponse qui soit la plus pertinente si on ne fait pas un audit. Est-ce que vous allez voir votre médecin de généraliste ? Est-ce que vous trouvez qu'il est professionnel et expert dans son domaine s'il ne vous ausculte pas ?
Moi, en tout cas, c'est comme ça que je travaille. Après, je ne sais pas comment font les autres, mais monter en compétences, c'est bien sympa, mais c'est quoi les besoins concrètement ? Je dois faire un exemple très concret. Quand j'interviens dans les entreprises, si on me dit qu'il faut faire une formation en management et en leadership, oui, mais je prends par quel bout ?
Et puis, dans la salle, je peux vous vendre tout ce que vous voulez, mais par contre, ça voudra dire que si je vous vends toutes les prestations de management, de leadership, etc., qu'il vous faut pour être sûr d'être super armé par rapport à ce qui vous attend, vos gens vont passer leur temps à être en formation et ça va vous coûter extrêmement cher. Donc, les DRH vont me dire, ben non, je ne peux pas, et à juste titre. C'est pour ça que quand j'interviens, je me fais un diagnostic, je fais mon propre diagnostic, ce qui ne veut pas dire que le DRH a tort, c'est juste que je vais avec lui, en confiance, dire là il y a des priorités, il faut peut-être passer sur ça, ça et ça.
Et après, je vais intervenir, pas forcément dans le cadre d'une formation financée par l'OPCO, France Compétences, etc. Parce que quand on fait ça on est obligé de rester dans le cadre qu'on a fait valider. Et moi, quand je fais, par définition, du sur-mesure, je vais leur dire, “Ecoutez, j'ai l'expérience professionnelle d'avoir été universitaire, responsable pédagogique et d'avoir donné ma caution universitaire au niveau du ministère, donc je sais ce qu'il faut faire si on fait telle ou telle formation. Mais avec votre problème à vous, vos compétences disponibles à vous et celles où il faut que vous alliez. Je pense qu'il faut un peu de ci, un peu de ça, beaucoup de ci, beaucoup de ça. Mais par contre, en fonction du budget que vous avez, on va peut-être mettre l'accent sur ça en premier, puis ça après, etc. ”
Je suis vraiment dans la co-construction et ce qui fait que je ne fais concrètement jamais deux fois la même formation en termes théoriques. Parfois on va faire un séminaire, pour une autre fois on va faire une conférence, pour une troisième fois je vais travailler sur un livre blanc en interne. Vous voyez, le fond et la forme sont vraiment du sur-mesure et moi je ne vois pas comment on peut faire autrement. Que répondre aux besoins très concrets de nos équipes. Parce que si on ne les accompagne pas pour monter en compétence et si on ne les aide pas à choisir quoi, comment, où, avec qui, etc., ils ne le feront pas.
Sauf qu’aujourd’hui, on ne peut plus se permettre de ne pas le faire.
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