Selon la mutuelle ALAN, en 2022, un salarié sur deux était en souffrance psychologique au travail. Deux ans plus tard, en mars 2024, le groupe international français d’assurance AXA publie des chiffres similaires. Mais alors, pourquoi le bien-être, et notamment la santé psychologique, est-il tellement important au sein d’une entreprise ? May s’est rendu à la conférence “Au-delà de l’IA”, en collaboration avec la French Tech Grand Paris.
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C’est en 2012, grâce à Julia Rozovsky, RH chez Google à cette époque-là, que l’on commence à parler de santé mentale au travail. Mais avant tout, savez-vous vraiment ce qu’est la santé psychologique ? Un terme difficile à définir car il englobe plusieurs facteurs. Selon Pierre-Étienne Bidon, cofondateur et co-CEO de Moka.Care, c’est la capacité de l’entreprise à assurer un climat favorable à la prise de risque, qui passe par une chose essentielle : le droit à l’erreur. “Plus les erreurs sont signalées rapidement, plus on peut les corriger rapidement”, décrit Pierre-Étienne. Paul Sauveplane, CCPO chez ALAN, parle avant tout d’un “sujet de société”. Aujourd’hui encore, neuf salariés sur dix déclarent que l’entreprise est responsable de la santé mentale des employés. Mais cela soulève un paradoxe : il faut trouver un équilibre entre autonomie et responsabilité de l’entreprise. Autrement dit, jusqu’où va la responsabilité de l’entreprise ? Peut-elle aussi être responsable lorsque le salarié est chez lui, en télétravail ? Il ne faut pas oublier que les managers ne sont pas médecins, et la santé mentale peut parfois s’avérer être une question médicale.
“La responsabilité de l’entreprise repose d’abord sur le mode d’organisation, la culture mise en place, le mode de collaboration, etc.”, exprime Paul Sauveplane lors de la conférence. Avant de parler de santé mentale, l’entreprise doit être claire sur ce qu’elle propose : quelle est la promesse faite aux salariés ? En tant que salarié, puis-je prendre des risques ? L’environnement dans lequel j’évolue est-il de confiance ? Suis-je suffisamment formé aux questions de santé psychologique ? Toutes ces questions sont essentielles au bon fonctionnement d’une entreprise, mais surtout, elles sont liées aux problèmes de santé mentale. “Aujourd’hui, 36 % des arrêts sont des maladies de longue durée, devant les causes de cancers ou autres…”, déclare Pierre-Étienne Bidon. Ce chiffre alarmant a également un impact massif sur le bien-être des entreprises, car il affecte leur chiffre d'affaires, leur bénéfice, leur taux de turnover, etc.
Mais les choses bougent, d’après Paul : “Il y a 5 ou 10 ans, aucun DRH en France n’aurait contacté un collaborateur en arrêt de travail. Aujourd’hui, tout le monde sait qu’il faut maintenir le lien, montrer qu’on est là pour que les personnes reviennent travailler sur le long terme.”
Au sein d’une entreprise, il existe plusieurs types de profils, ce qui rend nécessaire une adaptation constante de l'organisation. Comme le dit Pierre-Étienne, “Il faut retenir la nécessité d’agir à plusieurs niveaux”. L’OMS définit différents niveaux de prévention :
Ces trois niveaux permettent d’évaluer la situation d’un salarié. Cependant, la santé mentale peut également affecter indirectement d'autres acteurs, comme les DRH et les managers.
Un point qui semble évident : l’invisibilité. Le problème de la santé mentale, c’est qu'elle est invisible. “Lorsque vous vous cassez la jambe, cela se voit, il y a un plâtre ou quelque chose du genre. Mais quand vous avez des problèmes de santé mentale, cela ne se voit pas”, déclare Pierre-Étienne. D’autre part, l'éducation joue un rôle clé dans la diminution de ce fléau. De plus, ce problème est assez intime et reste tabou, surtout au travail. En réalité, tout est lié. La souffrance mentale ne provient pas forcément uniquement du travail dans lequel le salarié évolue. Elle peut aussi être liée à des problèmes financiers, personnels ou à l’accès aux activités hors travail. Selon le CCPO d’ALAN, “il ne faut pas aborder seulement l'angle de la santé mentale, la bonne approche est de considérer la santé globale”.
Certes, l’entreprise peut être la cause de ces problèmes de santé mentale, mais elle peut également en être la solution. D’après Paul Sauveplane, “Plusieurs questions se posent, mais il doit y avoir une cohérence entre leaders, managers et organisation”. Chacun doit être en adéquation avec les plans déjà établis et la politique culturelle. Lors de cette conférence, Pierre-Étienne soulève un point crucial de notre société actuelle : l’hyperconnectivité. Malheureusement, elle touche les jeunes générations comme les plus anciennes. “En 2022, une étude montrait qu'une personne déverrouille son téléphone environ 236 fois par jour, soit une fois toutes les six minutes”, signale le cofondateur de Moka.Care. Mais notre cerveau n’est pas fait pour autant de stimulations ; cette hyperconnectivité a un réel impact sur les niveaux de dopamine.
Cette hyperconnectivité se retrouve également dans le monde du travail. L’usage de Slack ou de LinkedIn est quasi similaire à celui des réseaux sociaux. On like, on publie, on commente, à n’importe quelle heure de la journée. Toute cette surexposition aux réseaux génère un stress important chez l’individu, et dans notre cas, chez le salarié.
Comme l’explique Paul, “cette confusion entre l’urgence et l’important devient hyper préoccupante”. Ce que le DRH d’ALAN veut dire, c’est qu’un salarié ne sait plus être productif là où il le faut. Il passe la journée sur son écran, mais la moitié du temps sur Slack ou à répondre aux mails, car il se sent “obligé”.
Selon Paul Sauveplane, l’employeur a une véritable responsabilité dans la formation des managers. Ces derniers doivent connaître et transmettre les priorités au travail. Autrement dit, les managers doivent se poser la question : comment protéger le temps de mes collaborateurs ? Concernant le fléau de l’hyperconnectivité, ALAN semble avoir trouvé une solution : “Chaque jour, il y a une personne chargée de gérer les réponses (des collaborateurs) au quotidien,” explique le DRH d’ALAN.
Mais revenons au noyau de cet article : la santé mentale. Quelles solutions simples une entreprise peut-elle mettre en place pour combattre ce problème ? Pierre-Étienne propose trois actions à mettre en œuvre immédiatement :
1. En parler.
2. Valoriser les succès et les échecs.
3. Se pencher sur la manière d’organiser le travail et le temps.
Regardez le replay de cette intervention ici :
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